Jacques de Hohenstein, seigneur des châteaux d’Ottrott

Nous sommes au quinzième siècle, un homme étonnant, Jacques de Hohenstein mène une vie haute en couleurs et pleine de rebondissements. Seigneur de l’Hinterlützelburg, actuel château de Rathsamhausen, prévôt d’Obernai, Jacques s’occupe de politique, d’industrie. il conduit ses affaires, complote contre l’empire. Dans cet article, nous allons tenter de tracer le portrait de cet homme hors du commun.


L’Europe et l’Alsace au début du quinzième siècle


Replaçons tout d’abord quelques dates qui nous permettent de situer la situation en France et dans l’Empire. Nous comprendrons mieux la vie de Jacques. En 1429, Charles VII est couronné roi de France à Reims, en présence de Jeanne d’Arc, qui sera brûlée vive à Rouen deux ans plus tard. La guerre de Cent Ans prend fin en 1453 après la victoire française de Castillon-la Bataille. En 1461, Louis XI succède à son père. Le dauphin Louis avait mené campagne en Alsace en l’an 1444. Le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire s’oppose à l’autorité de Louis XI. Lui aussi, tentera de conquérir l’Alsace.

La vie de Jacques se déroule sous le règne de deux empereurs du Saint Empire. Sigismond est le dernier de la lignée de Luxembourg. Frédéric III est un Habsbourg. Ces deux souverains, contrairement aux Hohenstaufen et aux premiers Habsbourg ne se préoccuperont que fort peu de l’Alsace. Soumis aux attaques des Ottomans, des Hongrois, des Bourguignons, des hussites et des cantons confédérés de Suisse, ils ont fort à faire pour préserver l’unité de l’Empire. Délaissée de ses empereurs, l’Alsace est menacée d’abord par les Ecorcheurs du dauphin Louis (1444) puis par les troupes de Charles de Téméraire (1475). La seule autorité alsacienne est alors l’évêque de Strasbourg : Ruprecht est également landgrave d’Alsace. L’évêque Ruprecht interviendra militairement, on le verra plus loin, dans les différents conflits de l’époque.


La famille de Hohenstein au début du siècle, Henri de Hohenstein et sa femme Lysa


Nous avons déjà consacré plusieurs articles à cette famille alsacienne. Nous nous en tiendrons aujourd’hui à Jacques et à son père. Le père de Jacques s’appelait Henri. Il est cité dans les textes de 1401 à 1444. Sa mère s’appelait Lysa de Suneck. Elle meurt en 1435 alors que Jacques est encore mineur. Il avait alors un jeune frère prénommé Henri.

A peine veuf, Henri épouse Anna de Löwenstein. Le père de Jacques est un seigneur de son temps. A la fois guerrier et habile négociateur, il accumule titres et richesses. Tour à tour prévôt de Sélestat, puis de Strasbourg, il est présent dans toute la région. En 1424, il achète à Ottrott le château d’Hinterlützelburg (futur Rathsamhausen) à Tutelmann de Rathsamhausen. En 1437, il obtient en fief le château de Guirbaden de l’évêque Guillaume de Dienst. Il est également possessionné à Schirmeck, à Griesheim, dans la vallée de la Bruche et à Molsheim. Henri meurt en 1444, il est enterré à la chartreuse de Strasbourg. Il laisse à ses deux fils un nom et une belle fortune. Le partage des biens entre eux et sa seconde épouse Anna de Löwenstein se déroule à l’amiable et dans de bonnes conditions. Du moins dans un premier temps…

Jacques se mariera par deux fois. Sa première épouse est une Neipperg, famille puissante ; une fille Barbara naît de ce premier mariage. Devenu veuf, Jacques épouse une Gertrude dont le nom nous est inconnu, ils ont un garçon, Georges de Hohenstein, qui sera le dernier des Hohenstein ( mort en 1536).


Jacques de Hohenstein, homme d’argent


Comme son père, Jacques cherche à s’enrichir. Toute sa vie durant, on le trouve lié à des transactions, à des ventes et des rachats de droits divers. Voici les dates des principales transactions que nous avons retrouvées dans les textes.

  • An 1447        Echange de droits à l’abbaye d’Haslach avec ses cousins Siegfried et Burkard d’Oberkirch
  • An 1454        Proposition de vente de biens dans le Val de Villé au profit du Chapitre de la Cathédrale
  • An 1455        Jacques et son cousin Anton vendent leur part au Haut-Koenigsbourg
  • An 1469        Cession des villages de Lupstein, Trüchtersheim et Griesheim à l’évêque Ruprecht, agréée par l’empereur Frédéric
  • An 1473        Retour d’une part de ces villages à Jacques
  • An 1474        Jacques reçoit la moitié du village de Wolxheim de la famille de Fénétrange
  • An 1480        Jacques cède Wolxheim et Dahlenheim à son gendre Daniel de Müllenheim


Jacques de Hohenstein, homme de procédures


Toute sa vie, Jacques fut en procès. Que ce soit suite aux nombreuses ventes et acquisitions précitées, ou bien pour des conflits avec la Ville d’Obernai ou la Ville de Strasbourg, ou encore cet interminable procès contre sa belle-mère, les conflits furent nombreux. Voici les plus notoires.

  • An 1445        Premier procès à propos de son héritage. Il s’agit d’un conflit avec les frères von Fintingen, à propos du château de Guirbaden, revendiqué par les deux familles.
  • An 1459        Litige avec la Ville d’Obernai pour des dégâts dans les forêts du Kagenfels. Le château est situé au cœur des forêts appartenant à la Ville, seuls les alentours tout proches du château sont aux Hohenstein. Ces conflits de voisinage seront nombreux (1464 et suivantes ). Jacques chassait et coupait du bois sur les terres de la Ville.
  • An 1461        Conflit avec J et W. Bock de Stauffenberg
  • An 1462        Jacques est en conflit avec la Ville de Strasbourg. Il renonce à son ‘Bürgerrecht’ hérité de son père. Il le reprendra en 1470, pour y renoncer une deuxième fois en 1471
  • Année 1463 et les suivantes. Jacques se voit convoqué devant la Cour de Rottweil pour non respect des clauses de l’héritage de son père. Sa belle-mère Anna de Löwenstein, remariée à un Henri de Rathsamhausen, porte plainte. Jacques sera appelé par trois fois à paraître au nom de l’empereur Frédéric. Mais il s’y refusera toujours sous divers prétextes. Il se fait représenter par ses hommes de loi : Hans Beckel et Hans Merswinn, écuyers, ainsi que Hans Simler, chanoine de Bergbieten et Jacob Berwer, prêtre à Oberschaeffolsheim
  • An 1466        Traité entre l’évêque Ruprecht et 35 nobles alsaciens. Jacques de Hohenstein et son cousin Anton sont signataires de cet accord.
  • An 1474        Règlement du conflit de la Magel avec la Ville de Rosheim. Les eaux de la Magel sont partagées à partir de la Fischhütte, au dessus de Mollkirch. Une part suit le cours naturel de la rivière, l’autre partie court à flanc de colline dans le canal du Rosenmeer avant d’alimenter la Ville Impériale de Rosheim. La charte de 1474 stipule que deux tiers des eaux de la Magel et la prise de gibier dans les forêts de Rosheim sont assurées à Jacques, seigneur du Guirbaden et donc de Mollkirch. De plus la Ville ne doit pas endommager les clôtures de Jacques. Bigre !

En plus de ces procédures, Jacques signe avec d’autres seigneurs les paix castrales de plusieurs châteaux où il est possessionné.

  • An 1456        Paix castrale à Dambach
  • An 1464        Paix castrale de Schirmeck
  • An 1466        Paix castrale pour le VorderLützelburg
  • An 1470        Paix castrale pour le VorderLützelburg
  • An 1477        Paix castrale pour le VorderLützelburg.

Ces trois derniers traités, qui concernent les châteaux d’Ottrott, sont signés par Jacques de Hohenstein, Engelhard de Neipperg, son beau-frère et les frères Rathsamhausen, ses voisins. Jacques habitait alors à Ottrott au château dit l’HinterLützelburg, aujourd’hui appelé Rathsamhausen.

Les textes de Jacques sur ses châteaux ne sont pas toujours sujets de paix. Bel exemple, en 1469, Jacques est attaqué et chassé, manu militari, de Truchtersheim par l’évêque Ruprecht. Ah !


Jacques de Hohenstein, homme d’industrie


Découvrons une nouvelle facette du personnage. Selon les fouilles et études de Danielle Fèvre et Charles-Laurent Salch, la forge du château de Rathsamhausen daterait des années où Jacques habitait le château. Cet atelier étonne par sa taille, inhabituelle pour les rares forges castrales qui nous sont parvenues. La forge était dotée d’une fonderie de laiton, où Jacques faisait fabriquer différents objets de passementerie et d’harnachement. Jacques de Hohenstein était un homme moderne qui dirigeait une petite entreprise.

Nous avons consacré un long article à la forge du Rathsamhausen (cliquez sur le lien). Le bâtiment qui abrite cette forge, construit par l’équipe de Monsieur Salch, sera réhabilité cet automne par les Amis des Châteaux d’Ottrott.

On trouve une nouvelle preuve de l’intérêt de Jacques de Hohenstein pour l’industrie en 1470. Il s’agit alors d’un projet minier mené avec son beau frère Engelhard de Neipperg à Orschweiller. Les deux seigneurs exploiteraient alors une mine d’argent !

Nous allons passer maintenant à un épisode les plus surprenants de la vie de Jacques : son conflit ouvert avec la Ville d’Obernai.


Jacques de Hohenstein et la Ville d’Obernai


Obernai et Bernardswiller

Les litiges entre les Obernois et les habitants de Bernardswiller sont nombreux. Ils ont tous la même cause : au milieu du XIVème siècle, la Ville d’Obernai a acquis le village de Bernardswiller. Cette situation de dépendance ne sera jamais vraiment acceptée par les villageois, malgré plusieurs décisions impériales comme celle de Frédéric datée de 1450. Alors que Jacques de Hohenstein a été nommé prévôt de la Ville Impériale d’Obernai et qu’il partage son temps entre son château d’Ottrott et sa demeure dans la Ville, le conflit connaît une nouvelle phase, un nouveau rebondissement.

En l’an 1459, le Magistrat d’Obernai a tenté d’associer les bourgeois de Bernardswiller à la gestion de la cité. Mais le pacte conclu est jugé insuffisant par les villageois qui veulent l’égalité des droits ! Un certain Lienhart Wilhelm prend la tête de la révolte contre la Ville. Il réunit les habitants de Bernardswiller et fait rédiger les quatre points qui l’opposent à la Ville : égalité devant les taxes, égalité des droits (essentiellement l’accès aux produits des forêts de la Ville), refus de suivre la Ville dans ses guerres multiples, refus de payer l’impôt de six schillings pour la défense de la Ville, alors que le village n’est guère défendu lors des conflits. Une négociation était possible, trouver une entente eût été raisonnable. Notre Lienhart n’était pas un extrémiste. Quatorze délégués du village présentent les requêtes au Magistrat qui les reçoit fraîchement. Menacés, voire éconduits, treize d’entre eux se plient aux volontés de la Ville. Seul, Lienhart Wilhelm décide de résister à la Ville. Il se tourne alors vers Jacques Hohenstein, seigneur d’ Ottrott, du Kagenfels et du Guirbaden !

Premières péripéties du conflit

On peut affirmer que les relations avec la Ville ne sont pas des plus cordiales. Dés 1452, Jacques avait pris parti pour Claus Gensel, ancien maire de la Ville condamné pour gestion frauduleuse et faux en écritures…Il s’en était suivi une véritable guerre entre les partisans de Gensel et ceux de la Ville. Obernai alla jusqu’à assiéger les châteaux du Nideck, Freudeneck et de Wangenbourg, bases arrières des conjurés. Embuscades et meurtres se succèdent. Les soldats obernois vont menacer le Kagenfels de notre ami Jacques, qui prend les armes contre la Ville.

En 1460, le conflit semble éteint et Jacques vient d’être nommé par Philippe, Comte Palatin, prévôt du tribunal d’Obernai ! ( Il succède à un dénommé Jean Schreiber, sic, vous pouvez vérifier !).

Lorsqu’ éclate le conflit entre Bernardswiller et la Ville, Jacques se fait un devoir de soutenir et d’aider Wilhelm Lienhart. Wilhelm est au service des Hohenstein depuis plusieurs années. Jacques n’écrit-il pas à son sujet : ‘ Da derselbe Lienhart Wilhelm ettliche manche zit min gedingter gelobter, geschworner knecht gewesen und noch heutzutage ist.’

Les rebondissements de l’affaire sont nombreux :

  • Lienhart Wilhelm est arrêté et retenu prisonnier par la Ville.
  • Jacques de Hohenstein fait citer la Ville devant le Landvogt d’Alsace.
  • Rencontre en terrain neutre à Rosheim.
  • Lienhart, enfin libéré, se venge et attaque en justice ses anciens amis de Bernardswiller ! Il gagne son procès, qui est cassé un an plus tard !
  • Lienhart doit se réfugier au château d’Ottrott…

A chaque étape du conflit, Jacques de Hohenstein agit auprès du comte palatin, ou des autorités d’Haguenau en faveur de son protégé. Les mois passent, procès et jugements se succèdent, tous contradictoires. En 1463, Jacques est démis de ses fonctions au tribunal de la Ville au profit de Reimbold Voeltsch.

Lettres de défi, embuscade et prise d’otages

Débouté, notre ami Lienhart, tel un noble qu’il n’est pas, écrit à la Ville ses lettres de défi. Il réside alors toujours au château d’Ottrott et on devine qui l’a poussé à agir ainsi. Lienhart se déclare en guerre ouverte avec la Ville ! Il met ses menaces à exécution le 25 mai 1464, en enlevant plusieurs bourgeois d’Obernai. Il demande rançon. Les Obernois seront séquestrés au Château de Hinter-Lützelburg, le Rathsamhausen d’aujourd’hui. ( lire notre article à ce sujet).

Viol du droit d’asile en l’église de Saint Nabor

Juste retour des choses, le 15 juin 1464, Lienhart est surpris par les agents de la Ville près de Saint Nabor. Pris de court, Wilhelm se réfugie dans l’église du village. Les soldats de la Ville forcent l’entrée du sanctuaire. Une lutte s’ensuit à l’intérieur de l’église (sic), et Lienhart, capturé, est enfermé à Obernai.

Forcer la porte d’une église et violer le droit d’asile n’est pas sans conséquences. La Ville voit alors le parti de ses ennemis grandir ! Arrêter un rebelle, c’est de bonne guerre, mais, se battre dans une église, c’est fort malséant ! La noblesse des environs rejoint Jacques de Hohenstein pour s’opposer à la Ville. Le conflit prend une ampleur inattendue. La Ville doit engager bon nombre de mercenaires et les expéditions punitives des deux camps se multiplient. Les ‘hautes’ autorités se décident, enfin, à réagir. Jean de Fénétrange, maréchal du duc de Lorraine est nommé arbitre du conflit. Le cas est réglé à Sarrebourg en présence des conseillers du duc de Lorraine, de l’évêque de Metz et de Jean Wildgrave de Thun, qui représente le comte palatin.

La sentence est prononcée le lundi qui suit la sainte Madeleine de l’an 1464 : tous les prisonniers sont libérés, Wilhelm s’engage à ne plus porter préjudice à la Ville, ni au Comte Palatin. Il renonce à ses droits et biens confisqués par le comte. Il doit de plus, lui et les siens, ‘rester éloignés de la Ville d’une distance de plus de deux lieues pendant cinq ans’. Il se retire à Dambach et y meurt dans l’exil.

Le conflit semble donc se terminer à l’avantage de la Ville d’Obernai. Lienhart perd tout. Son protecteur Jacques de Hohenstein, trop puissant, n’est pas inquiété. Il a tout au plus perdu son poste de prévôt au Tribunal de la Ville. Cette affaire montre cependant le pouvoir de nuisance de Jacques. Il semblait n’avoir que mépris pour les bourgeois d’Obernai et cherchait à raffermir la puissance des nobles alsaciens contestée par les Villes. Nous verrons dans le paragraphe suivant que Jacques allait faire encore beaucoup plus fort quelques années plus tard. Pour plus de détails sur la ténébreuse affaire de Wilhelm Lienhart et ses suites, lisez Joseph Gyss, Histoire de la Ville d’Obernai, tome 1, pages 249 à 263 !

Note : Les démêlés de Jacques avec la Ville ne s’arrêtent pas là… quelques années plus tard, on voit le cellérier du château de Rathsamhausen arrêté, puis détenu dans les geôles de la Ville. (conférence de St Léonard, voir Gyss p 280)


Jacques de Hohenstein et Charles le Téméraire


Au quinzième deux invasions ‘françaises’ ont marqué l’Alsace.

  • 1444 – Le dauphin, le futur Louis XI ravage l’Alsace à la tête des Ecorcheurs

Jacques de Hohenstein est alors un tout jeune homme. Il a du voir comme son père Henri, les troupes du roi de France rançonner les villages d’Alsace. Les Ecorcheurs évitent villes et places fortes. Ils attaquent les villages et les lieux de culte mal défendus. En Alsace, seule la Ville Impériale de Rosheim sera enlevée par les Ecorcheurs. Nous les verrons à Barr, à Bischoffsheim, à Niedernai. Ni les châteaux d’Ottrott, ni Obernai, n’ont eu à souffrir de l’équipée de Louis, qui blessé devant Dambach, rentrera en France sans chercher à pérenniser sa ‘conquête’. Jacques devait être retranché avec son père dans l’une de ses forteresses, il n’est pas intervenu pour défendre les villages attaqués et incendiés.

  • 1475 – Charles le Téméraire, duc de Lorraine, tente de conquérir l’Alsace

La question est plus grave, il n’est plus question d’une campagne destinée à éloigner et occuper le trop remuant dauphin de France. Charles, duc de Bourgogne et seigneur des Flandres veut unifier ses territoires pour se créer un véritable royaume. Il tentera sans succès de conquérir la Lorraine et l’Alsace, de façon à ce que ses terres soient d’un seul tenant.

Le roi de France Louis XI agrandit et unifie la France par achats, mariages et traités. C’est un politique, patient, tenace. Charles le Téméraire veut conquérir de nouvelles terres à la tête de ses armées. C’est un homme nostalgique des conquêtes de jadis, pétri de romans de chevalerie et de chansons de gestes.

Jacques de Hohenstein ne peut-être que séduit par la personne du Téméraire. Lui qui lutte contre les bourgeois des villes, puissance montante, lui, Jacques de Hohenstein qui veut rendre à la noblesse alsacienne la place qui lui semble due. Charles de Bourgogne ne peut être que le souverain souhaité par Jacques. Charles le Téméraire, si chevaleresque, si différent de ce pâle empereur Frédéric, lointain et oublieux de l’Alsace.


Le complot bourguignon de Jacques de Hohenstein


La tentative d’annexion de l’Alsace a débuté par une invasion du sud de l’Alsace. Rapidement, les Villes Impériales se sont organisées et la tentative du Téméraire tourne court. Il confie la gestion du conflit à son homme lige, Pierre de Hagenbach. Celui-ci a fort à faire et suite à la révolte de la ville de Breisach, il est arrêté, jugé et décapité après un procès sommaire organisé par les Villes Impériales.

Charles n’abandonne pas son projet et continue sa lutte plus au nord, dans le Palatinat. Il assiège la ville de Neuss, près de Cologne, lorsqu’il reçoit les propositions de Jacques de Hohenstein.

Jacques projette de livrer au Téméraire ses châteaux de Guirbaden et du Kagenfels, puis à partir de ces deux places fortes, de marcher sur Rosheim et Obernai. Niedernai et le château des Landsberg font partie des cibles annoncées. Alors, la menace bourguignonne sur la Ville de Strasbourg serait bien réelle. On reconnaît bien la vindicte de Jacques contre les Villes, au profit de la noblesse.

Rappelons en les grandes lignes.

  • Les négociations sont plus qu’avancées puisque Jacques touche 10.000 florins des Bourguignons.
  • Jacques n’est pas seul dans cette aventure, selon le récit de Knebel, un contemporain, plusieurs nobles font partie du complot. ‘ eo tempore quidam nobilis Jacobus de Hohenstein in Alsacia avaricia depravatus una cum aliis nobilibus spopondit duci Burgundie sua castra, videlicet Kagenfels, Girbaden et alias civitates imperiales, videlicet Ehenheim superius et inferius necnon Roszheym tradere ac per hoc exitum in portes Alsaciae dare, tradidit illi 10 milia florenorum…’
  • Mais, les conjurés ne sont guère prudents, ils parlent trop. L’ évêque Ruprecht est mis au courant de l’affaire. Homme de guerre, l’évêque organise avec les Strasbourgeois une attaque rapide du Guirbaden, qui est enlevé par surprise. Le complot est déjoué ! Les détails de la prise du Guirbaden sont croustillants. ( lire l’article).

Les suites du complot


L’évêque Ruprecht ne se contente pas de cette victoire sur le terrain. Il sait que Jacques loge dans sa résidence d’Obernai. Ses troupes entrent dans la Ville et Jacques est saisi dans sa demeure. Il est conduit sous bonne escorte à Dachstein où il est emprisonné dans les geôles de la résidence d’été de l’évêque de Strasbourg.

C’est la fin du grand seigneur Jacques de Hohenstein.

  • Le château de Guirbaden passe à Jérothée de Rathsamhausen, puis ce sera le fief de Jean de Landsberg.
  • Philippe, comte palatin, donne le HinterLützelburg à Ottrott à Daniel de Müllenheim, gendre de Jacques.
  • Le Kagenfels passe aux Uttenheim.
  • Pourtant, les dernières années de sa vie, Jacques, enfin sorti des prisons de Dachstein, semble avoir recouvré un rien de sa superbe.
  • L’aventure bourguignonne a coûté fort cher à Jacques de Hohenstein.
  • En 1479, le prince, comte palatin, Philipp, duc de Bavière, accorde sa protection à son ‘cher et fidèle Jacob de Hohenstein et à son fils Georg’

 

  • La même année, Jacques récupère le château de Guirbaden, selon une charte signée de l’évêque Albrecht, successeur de Ruprecht.
  • En 1480, Jacques cède plusieurs villages en sa possession à son gendre Daniel de Müllenheim. C’est là le dernier acte de sa vie que nous ayons retrouvé.Georg, marié à Gertrud de Schauenburg, est cité de 1479 à1536. Ce fut le dernier des Hohenstein.*11 photo
  • Nous avons raconté par ailleurs l’anecdote d’une journée fort arrosée dont Georg fut le héros.

  • Jacques meurt fin 1480 ou début 1481, nous ne savons pas où il fut enterré. Il laisse une fille Barbara, mariée à Daniel de Müllenheim, qui résidera au château d’Ottrott, et un fils de son deuxième mariage, Georg von Hohenstein.


Sources


Johannes Knebel, Chronik aus des Burgunderkriegs, 1475

  1. D. Schoepflin, Alsace Illustrée, 1761
  2. Kindler von Knobloch, Die Herren von Hohenstein im Elsass, 1884
  3. Sitzmann, Dictionnaire des Hommes Célèbres de l’Alsace, 1909
  4. Gyss, Histoire de la Ville d’Obernai, 1866
  5. Fèvre, La forge du Château de Rathsamhausen-Ottrott au XVème siècle, 2001

Articles connexes


Jacques de Hohenstein et le Rosenmeer

Jacques de Hohenstein et le complot du Guirbaden

Le squelette du Rathsamhausen

Les Ecorcheurs devant Rosheim

Rodolphe de Hohenstein enlève l’évêque Berthold de Bucheck à Haslach


Illustrations


Louis XI, Frédéric III, procès de Pierre de Hagenbach, images du Web

Arbre généalogique des Hohenstein, PiP

Photographies des châteaux d’Ottrott, PiP

Lithographie des châteaux, Assmus Robert, 1896

 

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